Dans le sillage de ma réflexion sur la comptabilité, une réflexion sur la nécessité vitale pour mon Nain d'acquérir une balance à trébuchet pour pouvoir, d'un côté, peser les précieuses gemmes qu'il refourgue à ses clients et, de l'autre, vérifier la valeur des pièces qu'il est amener à manipuler en contrepartie.

Et pour commencer...

1. Unités de poids

Les sources tolkieniennes sont quasi muettes en ce qui concerne les unités de poids utilisées par les peuples de Terre du Milieu. La seule occurrence (à ma connaissance, et j'ai testé la plupart des mots clés des systèmes de mesure anglo-saxons sur tout le corpus habituel) est un dit du narrateur du Hobbit : "Dragons may not have much real use for all their wealth, but they know it to an ounce as a rule."

Cette mention unique de l'once semble corroborée par l'utilisation générale du système impérial anglo-saxon pour les unités de longueur (ell, fathom, mile, league... même si celles-ci voisinent avec des unités numénoréennes comme le lar et le ranga... j'y reviendrai) et de volume (pint).

Il me semble donc légitime de retenir un système anglo-saxon, mais quel système ? En effet pour les mesures de poids plusieurs systèmes ont existé concurremment, avec généralement les mêmes intitulés (la livre, l'once, le grain...) mais pas les mêmes valeurs. On peut citer le fameux système Avoirdupois, à l'origine du système international actuel (enfin celui qu'est pas métrique héhé), le système de Troy, utilisé dans le commerce des métaux précieux, le système de Tower, très proches, le système dit de l'Apothicaire...

Le système de Troy et le système de l'Apothicaire sont très proches : le grain, l'once et la livre y ont la même valeur. Dans le système de Troy, la valeur intermédiaire entre le grain et l'once est le pennyweight, le "poids d'un penny", et la division de la livre en onces et pennyweights correspond à  la division de la livre en shillings et pence côté monétaire. Dans le système de l'Apothicaire, plus près du système romain, l'once se divise drachmes (drams) qui se divisent en scrupules (scruples) qui se divisent en grains. on a donc un système plus précis sur les basses valeurs, particulièrement utiles. De par leur cohérence les deux systèmes peuvent aisément être combinés et cela semble assez naturel pour jongler au mieux avec de faibles masses. (Le fait que le système de Troy servent aux métaux précieux est intéressant mais ce n'est qu'à partir du 16ème siècle, donc c'est assez tardif...)

Enfin, on peut saluer que le système de subdivisions colle assez bien à ce qu'on sait des habitudes de Terre du Milieu : ule système duodécimal, l'abitude de diviser les choses en quartiers (cf. les tharni et les castar)...

On peut donc établir les tableaux suivants :


À noter que le grain se divise en 20 mites, qui se divisent en 24 droits, qui se divisent en 20 perits, qui se divisent en 24 blanks. Avec un blank qui pèse donc dans les 0,0000003 grammes on se doute que ce n'est pas une subdivision très utile à l'époque, même pour un Nain rapiat. 

Derrière précision utile : le système anglo-saxon sont fondés sur des grains d'orge (barley) et pas de blé. Bonne nouvelle si on en doutait : l'orge est bien attestée en Terre du Milieu par des sources primaires. :-)

2. La balance proprement dite

La balance à trébuchet est ancienne, on la retrouve déjà en Egypte ou chez les Chaldéens, puis dans tout le monde gréco-romain. Le principe en est simple : deux plateaux, un joug. Pour le reste on la tient à la main, elle est peu encombrante, et restera longtemps le symbole des changeurs.

Pour le visuel on reste sur des modèles très proches chez les Grecs, les Romains, les Anglo-Saxons ou les Vikings, voir par exemple les modèles du British Museum.

Les plateaux sont généralement en bronze ou en cuivre, le joug idem.

À la Renaissance les plateaux des changeurs sont de forme triangulaire (ou un plateau triangulaire et un plateau rond), avant de converger vers deux plateaux ronds. Les plateaux des époques plus anciennes sont généralement ronds comme on peut le voir sur les pièces du British Museum. J'avoue que la forme triangulaire me plait bien pour un Nain... si vous avez un avis ?

Les plateaux sont, au moins à partir du XVe siècle, systématiquement marqués d'un poinçon pour authentifier le balancier qui l'a fabriqué et qui se porte garant de son exactitude. Il n'est pas clair si les deux plateaux ou un seul est marqué de cette façon, car la majorité des plateaux ne sont pas retrouvés par paires. Une rune est toujours la bienvenue m'est avis.

Les plateaux sont généralement attachés au joug par 3 filins (logique pour un triangle, mais même pour un rond cela assure un meilleur équilibre de la balance). Les filins peuvent être métalliques (chaînettes) mais sont généralement en corde (verte pour les changeurs à la Renaissance en France et en Espagne... en poils de martre dans les sources arabes médiévales :-) ). La cordelette présente l'avantage de la légèreté pour un instrument qu'on emporte toujours avec soi.

Et, heu, voilà.

(Prochain "chapitre" : les poids, ou dénéraux.)

3. Les poids, ou dénéraux

Là encore finalement rien de particulièrement contraignant. À travers les époques et les géographies, tout se ressemble et tout est différent : une variété de tailles, formes, de décorations, d'inscriptions qui laisse pas mal de champ libre.

Une grande majorité des poids représentent le poids d'une monnaie donnée, et servent donc à s'assurer que la pièce n'a pas été trafiquée. Certains poids font plusieurs pièces (par exemple 5) pour des pesées collectives. En revanche, des poids représentant des valeurs de référence pour mesurer le poids réel de choses semblent beaucoup moins communs.

Les poids des collections du British Museum sont majoritairement compris entre 4g et 80g. On ne trouve rien en dessous de 2g. De manière générale les petits poids sont les plus rares. Cela peut s'expliquer doublement : ils auront plus facilement été égarés, et surtout pour des très petites valeurs on les pèse en grains, pas besoin d'avoir un poids pesant 3 grains si l'on peut mettre 3 grains dans la balance.

Ci-dessous quelques exemples de poids en images, avec commentaires. J'ai exclu les poids du bas Moyen-Âge car à partir de 1400 les dénéraux sont des "copies" de pièces (tout en prenant garde à ne pas frapper des choses qui ressemblent trop aux pièces en circulation pour ne pas être taxé de faux monnayage).

Exemples de poids vikings et anglo-saxons :
- Exemple en forme de pièce
- Exemple en forme de pièce (et particulièrement lourd)
- Exemple avec petites incrustations
- Exemple avec incrustation décorée en spirale
- Exemple avec incrustation protubérante
- Exemple particulièrement travaillé et pas vraiment représentatif
- Exemple similaire
- Exemple avec pièce montée

Exemples de poids grecs, romains et byzantins :
- Exemple en forme de jeton
- Exemple en forme de jeton
- Exemples en forme de jetons carrés
- Exemples en forme de jetons carrés
- Exemple de forme carrée en verre (avec un trou pour le suspendre mais étrange pour un poids de métier à tisser)
- Exemple en forme de pièce
- Exemple en forme de jeton (très léger)
- Exemple de forme conique

Exemples de poids du monde arabe :
- Exemple en forme de boule à facettes
- Exemple similaire
- Exemple de forme carrée
- Exemples en cristal de roche, très légers
- Exemple en forme de jeton
- Exemple en forme de jeton carré

Les poids sont en plomb, en bronze, en cuivre et en divers alliages. Il y a des incrustations d'un métal dans un autre.
Les principales formes sont rondes et carrés mais on observe des poids plus originaux (cylindre, boule à facettes, cône, grelot).
Il y a des motifs moulés, d'autres frappés, d'autres incrustés, d'autres montés.

Ce vers quoi je pense tendre : un jeu de jetons de section carrée, en plomb ou en cuivre, si possible avec incrustation émaillée (simple rune naine). Plutôt les poids référents du système de Troy / de l'Apothicaire pour être en mesure de faire de vraies pesées.

Voilà pour la réflexion ! N'hésitez pas à poster vos commentaires. :-)

Joli boulot Grimby !